Le management d’hier, d’aujourd’hui et de demain
A la fin du 20° siècle, le manager était le garant de la réussite économique de l’entreprise. Tableaux de bords financiers déclinant la stratégie de l’entreprise, calculs savants de rentabilité favorisant les intérêts des actionnaires, directives simples à faire exécuter par les collaborateurs pour créer la valeur prévue, voilà en synthèse comment le manager-type devait se comporter et avait appris à se comporter durant toutes ses années d’étude passée au sein de son école de management.
Mondialisation et crise des valeurs
Mais la mondialisation, l’émergence des pays du sud et la crise sont passées par là. On ne crée plus aussi aisément de la valeur. Décliner les ratios d’un tableau de bord Excel ne se fait pas en donnant des ordres à ses collaborateurs, aussi simples soient-ils. Car le monde du travail ne peut se mettre en équation financière, les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel.
De fait, la crise n’est pas qu’économique, elle est aussi une crise de valeurs. Les collaborateurs ont de plus en plus de mal et de moins en moins d’entrain à exécuter les ordres des managers. Perclus de TMS (troubles musculo-squelettiques), fortement stressés pour certains d’entre eux, le travail les fait souffrir physiquement et mentalement.
Désabusés par les incohérences de ce qu’on leur demande de faire, ils croient de moins en moins en leurs managers. On parle d’ailleurs aujourd’hui de « présentéisme ». Pourtant, le travail est toujours une valeur centrale dans l’esprit des salariés. Comment s’imaginer que par le même temps ils idéalisent le travail ? Tout simplement parce qu’ils sont là physiquement sans être là mentalement, émotionnellement.
On accuse donc le manager de tous les maux dont souffrent les collaborateurs, maux que la presse relaye avec force et vigueur. Le manager ne se doit-il pas d’être non-directif, d’être aux petits soins avec ses collaborateurs et de ne se gausser en rien de son statut de supérieur hiérarchique qui pourrait rappeler les « petits chefs » d’hier ? Au risque de tomber dans le travers de la caricature du « politiquement correct » dans lequel on ne doit pas prononcer un mot plus haut que l’autre, le manager a dû adapter sa posture mais il n’a pas changé une virgule de son tableur Excel.
Urgence et performance
Il est urgent pour les managers de revoir leur vision du management des hommes. Cela commence par tâcher de ne plus être toxique pour les collaborateurs avec des attitudes ou comportements inappropriés. Cela signifie également qu’il convient de réinterroger les valeurs qui conditionnent ces attitudes et comportements inappropriés. Est-ce une focalisation excessive sur la création de valeur, la rentabilité, au détriment des valeurs humanistes ?
La performance des salariés ne doit pas être suscitée en menaçant la motivation, l’engagement des salariés au quotidien. Or, la performance des organisations est devenue incontournable, sinon leur pérennité est mise à mal et par là même l’emploi des salariés. Nombre d’études scientifiques en attestent désormais.
Fiabilité des entreprises d’aujourd’hui et de demain…
Les organisations qui ont pour seul objectif la rentabilité se mettent en danger. Elles menacent leur performance et leur pérennité à moyen terme si elles oublient que les salariés représentent la valeur la plus précieuse de l’entreprise, puisque ce sont justement eux qui créent cette valeur. Il faut sortir de ce modèle dominant qui consiste à opposer l’organisation à ses salariés, à opposer performance économique et performance sociale. Placer l’un plus haut ou plus bas que l’autre est une erreur fondamentale, la hiérarchie des valeurs ne doit pas se situer à ce niveau, car l’un ne peut se concevoir sans l’autre. Sans organisation, la personne n’a pas de travail. Sans personne, l’organisation ne fonctionne pas.
Il ne faudrait pas tomber dans le piège inverse : survaloriser l’individu au détriment des organisations. On ne peut dénoncer une hiérarchie de valeurs en l’estimant mauvaise par une autre qu’on sous-entendrait comme étant meilleure : en quoi ne serait-elle pas au contraire plus mauvaise ? Il est urgent de conjuguer rentabilité et humanisme, pas de les opposer. Les managers qui ne l’ont pas compris sont doublement toxiques : pour les hommes qu’ils managent et pour l’organisation qu’ils dirigent.
Le manager d’aujourd’hui se doit d’être un véritable « hiérarque » : le manager hiérarque est celui qui conjugue et dose avec habileté rentabilité et humanisme parce qu’il sait que la hiérarchie des valeurs n’est pas d’opposer l’économique au social ou vice versa.
« Se réunir est un début, rester ensemble est un progrès, travailler ensemble est la réussite » Henri Ford.
Christian PEYRIC, consultant sénior, partenaire depuis plus de vingt ans de PROMEO